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Conte tibétain : le vieux Khampa

Un Khampa, un vieux nomade, était veuf depuis peu. Il avait marié ses enfants, il était fatigué de suivre la transhumance des troupeaux, il n'attendait plus rien de ce monde impermanent et désirait ardemment préparer sa vie future. La nouvelle parvint à son campement qu'un grand lama traversait les hauts plateaux désertiques du Kham, donnant des bénédictions et des enseignements. Le vieil homme décida aussitôt de se rendre au bivouac du saint homme. Après avoir fait la queue et les prosternations d'usage, offert du beurre et une turquoise, le nomade put faire sa demande.

- Maître vénérable, je voudrais consacrer le reste de ma vie au Dharma dans l'espoir d'atteindre l'Éveil et d'aider les êtres dans ma prochaine incarnation. Pourriez-vous m'initier à la pratique de la sainte doctrine ?

Percevant une sincère motivation, le lama lui donna ses instructions. Il lui dit de se retirer dans une grotte pour visualiser sa déité de méditation, et lui enseigna le mantra correspondant. Il ajouta que, s'il pratiquait avec foi, il atteindrait peut-être dans cette vie la Libération et, par la grâce de la compassion, il ne tarderait pas à soulager les souffrances de ses semblables.

Après dix ans de méditation assidue dans sa solitude rocailleuse, le vieux Khampa n'était pas parvenu à l'Illumination. L’un de ses fils, qui le ravitaillait de temps en temps, lui apprit que le célèbre lama était de passage dans la province et campait non loin de là.
L’ermite quitta sa caverne pour aller demander conseil à son maître.

- Inestimable gourou, j'ai médité dix ans suivant vos instructions mais je n'ai pas encore atteint l'Éveil. Peut-être ai-je commis des erreurs dans ma pratique ?

Le lama lui demanda quelle initiation il lui avait donnée. Quand le vieux disciple lui eut rappelé les indications, le moine se gratta le front et déclara:

- J'ai peut-être commis une erreur. Ce n'était sans doute pas une bonne pratique pour vous. Je ne vois pas quoi vous proposer à la place. De toute façon, vu votre âge, il est trop tard pour commencer un autre type de méditation. Vous avez toutefois acquis quelques mérites pour votre vie future même si dans celle-ci vous n'atteindrez pas l'Illumination.

Et le lama le congédia en lui donnant sa bénédiction.

Le vieil homme retourna la mort dans l'âme à son ermitage. Il s'assit sur son siège de méditation, les yeux errants sur les parois de sa caverne, entouré de sa paillasse, son cruchon, sa lampe à beurre avec lesquels il avait passé dix années de sa misérable existence sans pouvoir atteindre son but. Abasourdi par l'inutilité de tant d'efforts, il secoua la tête et, sans plus rien espérer de cette vie, sans plus rien attendre de la pratique spirituelle, il ferma les yeux. C'est alors qu'il connut l'Illumination.

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