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Georges Fenech, jusqu'au-boutisme et roman de gare

Le 30 septembre 2008, Jean-Michel Roulet quittait la tête de la MIVILUDES et dressait un auto-bilan positif de son passage au sein de cette mission dans le magasine Culture Droit. Un éclair de lucidité lui avait fait déclarer en guise de conclusion : « Nous ne devons pas nous transformer en secte en nous érigeant en directeurs de conscience » (Culture Droit, Novembre 2008). Une mise en garde prémonitoire adressée à son futur successeur Georges Fenech qui n’en a eu cure. 

Alors que Jean-Michel Roulet semble avoir disparu du petit monde de l’antisectarisme, il est probable que Georges Fenech (remplacé désormais par le député Serge Blisko à la tête de la MIVILUDES) y sévira encore longtemps, ayant construit une partie non négligeable de sa notoriété politique sur le dos des minorités spirituelles, éducatives et thérapeutiques (les « sectes » pour la MIVILUDES) au nom de la défense de quelques victimes. Le nombre de « victimes » réelles (en terme de droit pénal) dans les groupes péjorativement qualifiés de « sectes » est faible, voire très faible, il n’a d’ailleurs jamais été quantifié sérieusement et comparé à d’autres secteurs de la société et ne peut justifier aucune politique spécifique ciblant lesdites « sectes ». La défense des victimes est une chose sérieuse mais pas quand elle sert de paravent à une politique discriminatoire. Cette politique victimaire outrancière est d’ailleurs devenue une spécialité de la mission interministérielle. Lors de notre rencontre avec Jean-Michel Roulet, nous lui avions présenté de façon factuelle les dégâts de la politique antisectes française, ce à quoi il avait répondu : « N’y aurait-il qu’une seule victime, la politique que je poursuis se justifie », une formule grandiloquente et fallacieuse, au vu des nombreux dommages collatéraux, voulant également signifier : « Circulez, il n’y a rien à voir ». 

Georges Fenech, redevenu député, n’abandonnera donc pas son antisectarisme extrémiste et vient de publier un livre dont le titre devrait lui permettre de ratisser large en terme de lectorat populaire : « Apocalypse : menace imminente ? Les sectes en ébullition ». La fiche descriptive du livre le présente, sans rire, comme « le plus grand spécialiste de la lutte antisectes en France ». Il faut bien reconnaître à Georges Fenech un succès indéniable : avoir su élever la désinformation antisectes jusqu’à un niveau inégalé, avec le concours bienveillant des médias.  

Chaque interview de Georges Fenech est un florilège de manipulations du langage, d’utilisation de concepts frauduleux, de contre-vérités et d’approximations dont on comprend qu’il les perpétue puisque personne, à de rares exceptions près, ne cherche à le contredire. Ainsi, cette dernière interview du Figaro intitulée « Fenech : «Les grandes sectes infiltrent les lieux de pouvoir ». 

Question sur les « illuminés » annonçant la fin du monde : Georges Fenech évoque d’emblée la « tuerie suicide de l’Ordre du Temple Solaire » (nous renvoyons le lecteur au film reportage d’Yves Boisset qui documente les graves manquements de l’enquête policière sur cette affaire). Qu’est-ce qu’une « tuerie suicide », une tuerie ou un suicide ? S’il s’agit d’une tuerie (et tous les éléments disponibles pointent vers cette hypothèse, même pour Georges Fenech puisqu’il reprend à son compte cette expression alambiquée) et que l’on en ignore l’auteur (voir le procès terminé à Grenoble en non-lieu), quelle légitimité y a-t-il à agiter la peur des suicides, si ce n’est dans un but d’amalgame et de manipulation ? Admirons l’effet rhétorique de la première réponse de Georges Fenech : en deux phrases, il affirme ne pas vouloir « verser dans la paranoïa » et enchaine sur la « tuerie-suicide de l’Ordre du Temple Solaire ». Réaction de la journaliste ? Aucune. 

Question sur le site de Bugarach : nous apprenons que le site est surveillé par la DCRI parce qu’entre autres motifs, des « groupements à caractère sectaire y ont fait l’acquisition de domaines ». De fait, l’hystérie médiatique autour de ce site a été orchestrée et anticipée par les soins de Georges Fenech. Réaction de la journaliste ? Aucune. 

Question sur le nombre de sectes de l’apocalypse : Georges Fenech répond : « En réalité, toutes les sectes contiennent dans leur doctrine un message de l'Apocalypse ». Aucune justification de cette « saillie » intellectuelle n’est avancée, Georges Fenech répétant d’ailleurs fréquemment et avec duplicité qu’il n’existe pas de définition de la secte. C’est donc un propos vide de sens maquillé en fausse connaissance du sujet de la part du « plus grand spécialiste de la lutte antisectes ». Réaction de la journaliste ? Aucune. 

Question sur l’infiltration de l’Etat par les sectes : Georges Fenech affirme : « Les grandes sectes cherchent à acquérir du pouvoir et infiltrent donc les lieux de pouvoir ». Aucune preuve n’est produite et, en mal d’argument, Georges Fenech évoque son cas personnel à travers l’annulation de son élection en tant que député en 2008  (pour irrégularités financières dans sa campagne électorale) : le conjoint du rapporteur de son dossier aurait été un « avocat des sectes », donc suspect, ce qui équivaut à une démonstration que les « sectes » infiltrent l’État et que ce dernier serait à leurs ordres. Réaction de la journaliste ? Là, il y en a une puisque la journaliste a choisi cette citation de l’ancien président de la MIVILUDES comme titre à son article pour bien la mettre en évidence. 

Question sur l’affaire Dupont de Ligonnès : Georges Fenech utilise dans sa réponse un stratagème très prisé aujourd’hui, consistant à suggérer la piste sectaire dès qu’une affaire judiciaire est au point mort. Si c’est grave et obscur, il doit bien y avoir de la « secte » là-dessous. Le caractère totalement infondé de cette posture devrait être évident. Réaction de la journaliste ? Aucune. 

En conclusion de l’article, Georges Fenech confirme qu’en tant que député, il va continuer son action antisectes, sans aucun doute le seul créneau dans lequel il peut tenter de « briller sans éclat » pour faire oublier la mauvaise presse l’ayant accompagné ces dernières années. Nous constatons également unenouvelle fois que les journalistes des grands médias ne font pas leur travail et choisissent de promouvoir un discours antisectes insensé sur le fond et la forme.   

CICNS