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Apprendre à méditer

Blog de : fabrice

J'ai présenté dans ce coffret la transmission de la pratique de la méditation comme je l'ai reçue et l'enseigne à présent. Une manière simple et unique de découvrir la pratique de la méditation. Douze séances guidées…Un apprentissage adapté aux Occidentaux. J'ai reçu à cette occasion un ensemble de questions. En voici quelques-unes...

Quelle est la différence entre réfléchir et méditer?
Réfléchir implique de penser à quelque chose, tandis que méditer consiste à être ouvert à tout ce qui se passe, aux sensations, aux pensées et aux émotions qui nous traversent. Nous ne nous occupons pas du contenu des expériences que nous traversons, nous n’essayons pas d’en tirer une conclusion, de les analyser, mais simplement nous faisons attention à leur manière d’être.
Par cet exercice nous découvrons que nous sommes souvent peu attentifs à ce qui nous arrive, vivant comme en pilotage automatique — et donc peu en rapport à notre propre vie.
Privés d’un rapport réel et vivant à ce que nous vivons, nous prenons bien souvent trop au sérieux les pensées et les émotions qui nous traversent. Pourtant, ce n’est pas nécessairement parce que vous ressentez de la colère que la personne en face de vous exagère ! Méditer permet d’établir un lien plus sain et plus juste à ce que nous vivons, moment après moment, jour après jour.
 
A quoi est-on censé penser si la méditation ne consiste pas à faire le vide?
Soyez simplement présent à ce qui survient, peu importe ce qui survient. Votre corps est là, la respiration est là, le silence est là... Ce n’est pas vide mais plein, vivant. Le philosophe Kierkegaard disait : « La vie et le monde tels que nous les connaissons sont gravement malades. Si j’étais médecin et que l’on me demandait mon avis sur les hommes, je répondrais : Du silence ! Prescrivez-leur du silence ! » Kierkegaard était visionnaire. Aujourd’hui l’idée de ne rien faire terrorise notre société qui promeut l’agitation plus que l’action juste.
Cette situation cause de nombreux problèmes. Les gens ont l’impression d’être vivants seulement quand ils s’enivrent d’émotions fortes, par exemple en pratiquant des sports extrêmes, en regardant des films d’horreur ou chez les jeunes en s’adonnant au binge drinking…
Et puis on comprend que, d’avoir ressenti tant d’émotions fortes, chacun veut faire le vide, de la même manière qu’il éteindrait la télévision ou l’aspirateur — c'est-à-dire comme on débranche un appareil ou l’on vide un dossier informatique. Pour enfin trouver un peu de paix après tant d’émotions et de tensions. Mais notre être n’est pas une machine ! Nous n’avons pas à nous vider.
On veut faire le vide parce qu’on n’a pas réussi à établir un rapport réel aux choses. Et saturé de l’agitation habituelle, on veut se couper de tout au point même de s’abrutir. La méditation n’a rien à voir avec cette réaction. Ni fuir dans l’excitation, ni s’anéantir dans le vide — mais être pleinement, pleinement en rapport à tout ce qui est enfin.

Comment être sûr de ne pas se tromper dans la pratique?
D’abord, abandonnez l’idée que l’on puisse se tromper ou que l’on puisse réussir. Cela peut surprendre, mais la première expérience de la méditation est souvent déroutante pour ne pas dire inconfortable. Contre toute attente, vous découvrez que votre esprit est agité. Cela ne vous plaît pas du tout. S’y confronter est cependant salutaire. Méditer n’est pas être en état de paix, mais travailler avec ce que vous êtes. La vie est comme ça ! Des gens que vous aimez sont parfois malades, d’autres vous font de la peine. Personne de toute façon n’obtiendra tout ce qu’il veut. Il vaut donc mieux abandonner tout projet.
 
Si la méditation consistait à se tenir pendant des heures sur une seule main en récitant des formules complexes, à force d’efforts nousfinirions peut-être bien par y arriver. Mais la méditation consiste à simplement être assis, le dos droit, attentif à ce qui est, attentif au souffle qui entre et qui sort. Elle déjoue tous nos projets d’accomplissement personnel. Son génie est son extrême simplicité. Voilà pourquoi vous ne pouvez pas la rater — ni en réalité, la réussir.
 
Mais cependant cette simplicité ne s’appréhende que si l’on en reconnaît aussi la profondeur. Les ouvrages qui en détaillent la portée sont, dans la tradition bouddhique, d’une finesse d’analyse impressionnante. Nous aurons d’autant plus confiance dans notre pratique que nous comprendrons en détail son sens. N’hésitez pas à explorer les textes pour mieux comprendre les ressources de la méditation.

Pourriez-vous me dire pourquoi l'on associe la méditation au « lâcher-prise »?
Méditer ne consiste pas à apprendre de nouvelles stratégies ou informations mais à désapprendre ce qui nous entrave, ce qui filtre notre compréhension des choses, ce qui nous empêche de rencontrer ce qui est tel qu’il est. Nous apprenons ainsi à lâcher prise de la volonté de saisir ce que nous vivons  — en figeant nos émotions ou encore en nous identifiant à ce que nous pensons. Ainsi nous ratons un examen et nous en concluons « je suis nul », elle me regarde, « je suis aimable  — à chaque fois prisonniers de l’illusion que nous sommes le centre du monde.
Pour faire pleinement l’expérience de ce qui est, tel qu’il est, nous devons lâcher prise de cette crispation profonde. Telle est précisément la ressource de l’attention : observer simplement ce qui est pour le laisser être — et pour ce faire abandonner nos préventions, idées reçues et peurs. Cessons de chercher à tout contrôler, apprenons à danser avec la vie.
 
La grande erreur est que le plus souvent la notion de lâcher-prise est comprise comme une nouvelle stratégie volontariste — il faudrait réussir à lâcher prise — alors qu’elle est un dessaisissement fondamental et au premier chef de tout projet personnel.

Je vis la méditation durant mes longues marches solitaires où mon mental semble en dormance. Puis-je considérer que je médite?  
Certes tout être humain a fait d’une manière plus ou moins nette l’expérience d’un état de méditation, c'est-à-dire d’un état de présence, que ce soit en marchant dans la nature, en écoutant de la musique, en prenant sa douche, en mangeant un fruit mûr ou en étant auprès d’un être aimé.
Mais là n’est pas l’essentiel de cette démarche. Méditer est d’abord un travail ardu pour se confronter à ce qui entrave la présence et non pas seulement pour sa célébration. Certes, la méditation nous met en rapport à ce sens d’unité et de paix, mais elle le fait parce qu’elle nous apprend à travailler avec les ombres.
Comme l’explique Chögyam Trungpa : « La méditation ne consiste pas à essayer d’atteindre l’extase, la félicité spirituelle ou la tranquillité, ni à tenter de s’améliorer. Elle consiste simplement à créer un espace où il est possible de déployer et défaire nos jeux névrotiques, nos auto-illusions, nos peurs et nos espoirs cachés. Nous produisons cet espace par le simple recours à la discipline consistant à ne rien faire. » Faute d’une confrontation réelle à nos propres manques, à nos propres peurs, nous n’entrons pas dans la profondeur de la présence.
En ce sens la méditation n’est pas un état mais une pratique. Et tout aussi important que le lever du soleil, un sourire bienveillant, l’éclosion d’une fleur dans la rosée est un moment de peur, une déception ou la pluie. Méditer, ce n’est pas vivre de beaux moments, mais entrer dans le vif de l’existence.

Pourquoi méditer est si difficile?
La méditation est simple, mais comme tout ce qui est simple, elle demande un grand investissement personnel. Il faut beaucoup de travail pour trouver la simplicité. Un chanteur, un ébéniste, un sportif de haut niveau diraient probablement la même chose.
Le simple se gagne en traversant ce qui l’obstrue.
La difficulté propre à la méditation tient à ce qu’elle nous confronte à tout ce qui restreint notre vie. Elle fait apparaître en pleine lumière le cadre étroit où nous nous sommes enfermés souvent sans même nous en rendre compte. Or nous préférerions que l’on nous réconforte, que l’on nous dise que tout ira bien, que nous allons obtenir tout ce que nous voulons et passer ainsi un bon moment. Or la méditation nous confronte à nos difficultés. Elle n’est en rien une sinécure.
C’est paradoxalement pourquoi elle est si précieuse. Habituellement, face à cette angoisse de fond, à cette incertitude, nous cherchons à nous enfuir au loin : partir en vacances, regarder la télévision, « communiquer » avec « les autres ». La méditation est une attitude réaliste. Elle nous invite à ne pas rêver les yeux ouverts, à ne plus fuir nos difficultés. A prendre notre vie en main telle qu’elle est maintenant.

Peut-on ressentir des effets de la méditation dès la première séance ou faut-il plusieurs mois ou années pour avoir un résultat?
Dès la première séance, il se passe quelque chose. L’expérience est différente pour chacun mais vous vous posez. Vous vous sentez respirer. Vous découvrez un sens de présence qui ne dépend d’aucune circonstance extérieure pour se manifester.
Vous savez, pour pratiquer comme il faut, il suffit de le faire tel que vous êtes. Si vous êtes en pleine forme ou déprimé, triste ou joyeux, plein de doutes ou de peurs, malade ou en bonne santé, amoureux ou le cœur brisé, alors vous êtes dans la situation idéale pour pratiquer. Méditer n’est pas réussir quelque chose, mais simplement s’ouvrir à ce que nous sommes, être attentif à ce qui est. Un des bienfaits immédiat de s’y exercer est de découvrir enfin un espace où tout peut se manifester tel qu’il est.

Si dans la perspective de la méditation il faut éviter de penser, est-ce parce que c’est un problème?
Penser n’est pas en soi un problème ! Il est même au contraire merveilleux que nous ayons cette faculté ! Mais penser dans le présent n’est pas penser de façon désincarnée et abstraitement. Il est tout à fait différent d’écouter quelqu’un quand il vous parle, que de ne pas l’écouter parce que vous pensez déjà à autre chose.
Nous en faisons l’expérience tout le temps. Nous sommes confrontés à tant de gens qui n’écoutent pas, parlent sans être véritablement en rapport à ce qu’ils vivent, prisonniers de leur bavardage mental incessant, de leurs attentes et de leurs obsessions.
J’ai ainsi reçu dernièrement un courriel d’une dame qui, après avoir écouté quelques minutes d’un long entretien que je donnais à la télévision, tenait à me faire part de sa réaction. Elle était tout à fait critique sur ce que j’avais soi-disant dit. Mais comme elle n’avait pas écouté mes propos, elle ne s’adressait nullement à moi. C’était un message bien étrange !
Ce que nous découvrons dans la pratique, c’est que souvent, loin de penser, nous ressassons un ensemble d’idées fixes. Et nous vivons comme s’il y avait en nous un pilote automatique. Vous allez prendre votre douche et vous vous retrouvez en bas dans la rue, sans avoir de conscience claire de ce qui s’est passé entre le moment où vous êtes entré dans la salle de bain et cet instant précis. Quelqu’un vous dit un mot et vous réagissez en surinterprétant ce qui a été dit en fonction de vos propres obsessions ou angoisses.
En ce sens, méditer c’est aussi apprendre à penser, c'est-à-dire apprendre à rendre à la pensée sa portée véritable. La désobstruer.

Puis-je me mettre à méditer alors que je suis dans un état de préoccupation ou d'énervement?
C’est même une situation parfaite ! On ne pratique pas la méditation parce que tout va bien, comme on peut aller au bord de la mer se faire dorer sur le sable. On médite pour travailler concrètement avec son énervement, sa peur, sa colère, son désespoir, sa jalousie.
Et même, plus précisément, nous apprenons à rester avec les émotions pénibles au lieu de les fuir la tête la première. Vous pouvez ainsi apprendre à éviter tout à fait que vos irritations se transforment en affirmations dogmatiques et définitives, « Je suis en colère à cause de ton comportement », que de vouloir à tout prix aplanir les difficultés en prétendant que tout va bien. La méditation nous montre comment ne pas fuir ou justifier ce qui survient.
Vous êtes énervé, la méditation vous permet de découvrir que ce n’est pas en le regrettant ou à l’inverse en montant sur vos grands chevaux que vous allez arranger la situation. Mais considérer ce qui se passe suffit à le transformer.

Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation