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Le 1er Salon de la Mort!

Blog de : fabrice

Lorsque, durant le séminaire organisé à l’hôtel de Massa à Paris l’année dernière, Jessie Westenholz vint me parler de son idée de fonder le salon de la mort, je fus immédiatement enthousiaste et heureux qu’un tel projet puisse voir le jour. Il me semble en effet que plus on évoquera la mort — et surtout de manière concrète et directe — plus l’être humain pourra vivre une vie digne et heureuse.

J’étais honoré qu’elle me demande de faire partie du comité de soutien et j’ai tenté comme j’ai pu de l’aider.

Son courage de Jessie à tenter une telle aventure m’a tout de suite émerveillé. Pendant plusieurs mois, chaque fois que j’essayais d’en parler à des journalistes ou à ce que l’on nomme des « leaders d’opinions », ils me disaient trouver l’idée folle — un tel événement est tout simplement impossible à organiser. Mais, comme souvent, le courage et la ténacité font des merveilles et le salon va se tenir pour de bon, au Carrousel du Louvre du 8 au 10 Avril prochains. C’est un grand rendez-vous.

La question bouddhiste majeure

Toute personne intéressée par le bouddhisme est confrontée à la manière dont cette tradition pense la mort. Alors que chez nous, la mort est quasiment devenue un tabou et est vécue comme l’extrême échec, pour le bouddhisme la mort est une aventure que chaque être humain doit se préparer à vivre. Il n’existe pas même de possibilité de vivre véritablement sans se relier au fait que nous soyons mortels.

La chose est si ample, que l’on a coutume de dire qu’au Japon on se marie shinto et on meurt bouddhiste. Partout, dans toute l’Asie, le bouddhisme s’est consacré à penser la mort et à aider ceux qui meurent à mourir.

En Occident, l’idéal pour la plupart serait de disparaître sans s’en rendre compte, par exemple foudroyé sur le coup ou dans son sommeil. Pour le bouddhisme, l’idéal est de mourir en pleine conscience, en étant à même de faire de cette expérience un moment d’ouverture et d’éveil. Une façon d’apprendre à abandonner toute stratégie et de faire de ce moment une occasion d’un enseignement pour chacun.

Le divertissement

Le problème majeur est que faute de tout rapport à la mort, notre société n’est plus porteuse de grandeur et ne sait plus nous aider à mieux vivre.

Chögyam Trungpa souligne ainsi que la perspective nihiliste qu’il nomme la vision du Soleil Couchant « vise à écarter l’idée de la mort, à échapper à la mort. Le point de vue du soleil couchant naît de la peur » là où ce qu’il nomme la vision du Soleil du Grand Est réside dans la célébration de la vie. Cette perspective déconcerte souvent. Pour nous, célébrer la vie implique de ne surtout pas évoquer la mort. Mais Chögyam Trungpa, comme tout bouddhiste, pense exactement l’inverse. Nous savons tous que nous allons mourir, et que cela peut survenir à n’importe quel moment ; en être effrayé, faire semblant de ne pas le savoir, vivre dans l’ignorance de ce fait — c’est entraver l’ampleur de la vie et se résigner à demeurer dans une forme ! de peur. Au fond, le problème n’est pas d’avoir ou non peur de la mort — mais de ne pas refuser notre peur. Ne pas avoir peur d’avoir peur. Contrairement à ce que l’on dit souvent, ce qui nous étouffe, ce qui nous fait agir en dépit de tout bon sens, ce n’est pas la peur, la peur des autres ou de soi — mais la peur de la peur. Le refus de se relier à la peur. Penser à la mort, donner droit à la mort, nous ancre immédiatement dans l’essentiel.
Il n’y a là rien de morbide.

Ce qui est morbide c’est non pas de parler et de penser à la mort, mais de s’abrutir de divertissement qui nous font croire que la mort ne nous concerne pas.
En fait, d’un certain point de vue, il est légitime de considérer que toute forme de divertissement trouve sa raison d’être dans la peur non assumée et non reconnue de la mort, et symétriquement que toute peur de la mort donne naissance au divertissement. A notre époque, où un français regarde en moyenne la télévision 3h32 par jour (record historique selon l’étude Médiamétrie du 24/2/2011, soit 7 minutes de plus qu’en 2009 !) on est en droit de se demander quelle latitude chaque français a pour penser, pour vivre sa vie à lui.

D’une façon qui force l’admiration, Rainer Maria Rilke rejoint cette analyse offrant une méditation de la mort d’une grande ampleur. En un sens, toute l’œuvre de Rilke des Cahiers de Malte Laurids Brigge jusqu’aux Elégies de Duino est un effort pour penser la mort non comme une puissance ennemie de la vie mais comme cet autre côté de la vie, qui n’est pas tourné vers nous. Notre tâche est de le faire devenir nôtre au point où il devient une présence familière — et donne ainsi figure à notre existence. Une vie qui renie la mort manque à l’illimité qui est le sien. La vie et la mort ne sont plus deux entités qui s'opposent, elles sont les deux pôles d'une même ligne. Rilke insiste lui aussi sur l’importance de se préparer à la mort, non au sens des sagesses antiques pou! r tenter d’y être insensible à l’aide de quelques exercices, mais en advenant à sa hauteur propre. Pour Rilke, une mort manquée est une mort qui vient surprendre l'homme dans une attitude qui ne le signifie pas. La grande mort est celle qui est personnelle, protégée, aimée, attendue parce que l'œuvre suprême, la dernière signification, l'ouverture sur les racines et les faîtes du temps, de l'être vrai :

Seigneur, donne à chacun sa propre mort
qui soit vraiment issue de cette vie
où il trouvera l'amour, un sens et sa détresse
(Le Livre de la pauvreté et de la mort)

 

Le jeu de la vie et de la mort

Pour beaucoup, la notion centrale au bouddhisme est celle de renaissance — l’esprit de chacun ne disparaîtrait pas au moment de la mort, mais une continuité très singulière aurait lieu. Quelle continuité est-elle possible, si la tradition bouddhique affirme par ailleurs l’impermanence de tous les phénomènes et l’absence d’ego ou d’âme ? On voit bien que le bouddhisme est tout à fait opposé à l’idée de réincarnation. Ce qui transmigre pour lui est semblable à la flamme d’une bougie qui éclaire une autre bougie. Est-ce la même flamme ? oui et non !

Il y aurait, à mon sens grand danger à faire du bouddhisme une promesse qui nous éviterait de faire l’épreuve de la mort. Impossible d’échapper à cette épreuve.

Et personnellement, ce qui m’importe et m’éclaire dans l’enseignement bouddhiste c’est la manière dont il me permet de faire l’expérience concrète de mon existence ici et maintenant. Combien il invite à nous faire découvrir que la mort, loin d’être seulement ce moment qui peut surgir n’importe quand et signer la fin de notre existence, est sans cesse à l’œuvre. Nous mourrons sans cesse à quelque chose. Non seulement dans les deuils et les séparations, mais chaque fois que nous renonçons à saisir quelque chose, que nous respectons l’espace ouvert.

Le Bardo Thodol

Samedi 9 avril à 12h30, je ferai une conférence "La vie et la mort selon le bouddhisme tibétain" où j’évoquerai les leçons qu’offre l’étonnant texte du Bardo Thödol. Ce texte pourrait être traduit comme « Livre de la naissance tibétain » ou bien un « Livre de l’Espace », parce que ses enseignements traitent du principe de la naissance et de la mort qui se produisent à chaque instant, dans l’espace fondamental. Ici l’espace ne signifie pas l’espace physique, mais l’expérience de l’ouverture, de l’absence de limites et de l’absence d’ego, contenant en soi toutes les potentialités.

Pourquoi le bouddhisme pense-t-il de manière si radicale et si ample la mort, et ce comme aucune autre tradition spirituelle ?

Quel est le sens du Bardo Thödol, ce très célèbre livre, traduit comme « Le livre des morts tibétains » ?

Ce texte présente tout à la fois la plus haute spiritualité bouddhiste et est dans le même temps particulièrement concret. Il nous montre comme nous ouvrir à chaque instant, dans toutes les situations de l’existence. Comment reconnaître l’ouverture propre même au cœur des émotions les plus extrêmes ? De quelle manière notre esprit colore le monde et comment ne pas être prisonnier de nos peurs et autres difficultés ?

Vous êtes tous invités au salon, il vous suffit d’imprimer le document ci-joint qui est une invitation gratuite. L’école Occidentale de Méditation y sera présente et nous y aurons un stand.

Fabrice Midal -- Ecole Occidentale de Méditation