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Agneau pascal

Blog de : Omkar

Nous sommes en ce moment en période de Carême. A l'issue du Carême arrive la fête spirituelle de Pâques. Une fête spirituelle chrétienne majeure qui commémore la résurrection de Jésus-Christ. Spirituelle... et pourtant la tradition veut qu'à ce moment on grille et on mange l'agneau. Pourtant la viande n'est pas une nourriture, ni physiquement ni spirituellement. Alors comment cela se fait-il qu'on en soit venu là ? Essayons de comprendre. Peut-être parviendrons nous ainsi à mieux comprendre Pâques et à mieux en profiter, tout en atténuant un peu le massacre.

Souvent dans ce blog, j'essaie de montrer que les Ecritures d'occident sont beaucoup plus profondes que la signification qu'on leur accorde habituellement. La plupart du temps les textes sont traduits sans inspiration (peut-on même seulement évaluer l'ampleur des dégâts faits par le concile de Nicée ?), à la lettre, avec le seul aspect historique en tête. Que l'aspect historique soit véridique ou pas n'a ici aucune importance. Il n'est pas question de nier cet aspect. Qu'il soit réel ou pas, les Ecritures sont toujours profondes et riches de plusieurs sens. Si l'histoire est vraie tant mieux, tout le monde est content :-) Mais toujours la façon de narrer les faits et les termes employés introduisent une signification plus profonde, qu'il est plus ou moins facile de retrouver. Pour cela, j'aime bien la Bible d'André Chouraki, dont la traduction "brute", pour difficile à lire qu'elle soit, rend plus accessible la signification profonde des textes. Signification profonde que l'on retrouve toujours en phase avec les Ecritures de l'orient, et les expériences décrites par les yogin avancés.

L'agneau de Pâque

L'agneau se trouve en deux endroits marquants de la Bible: l'Exode chapitre XII, et Jean I 19-36. Dans l'Exode on a droit à une véritable recette de cuisine, et il est trop difficile d'en rétablir toute la symbolique en un seul billet. Disons quelques généralités. Le peuple d'Israël, à savoir la conscience supérieure, l'âme pour faire simple, est esclave du monde matériel qu'est l'Egypte, qui l'asservit et qui est une spécialiste de l'illusion: les prêtres d'Egypte et leur "magie". Il est donc question de s'en échapper. C'est là qu'apparaît l'agneau de la Pâque. Pâque signifie (Chouraki) le saut, le passage. Comprendre: le passage par lequel on fuit l'esclavage égyptien, c'est-à-dire l'illusion de l'existence terrestre. Et c'est pendant l'exode que le sang de l'agneau, c'est-à-dire sa valeur intrinsèque, protège les hébreux. Quand on verra plus loin ce qu'est l'agneau, on comprendra facilement pourquoi.

Agneau de Dieu

Jean I-29: "Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde". Nous dit Jean en voyant Christ. Voilà bien une traduction stupide! Serait-ce à dire que Dieu est un bélier ? Evidemment pas. Alors on essaie d'expliquer ça en expliquant que l'agneau est pur, et qu'en cela, il qualifie Christ. Mais on se demande bien pourquoi l'agneau serait plus pur qu'un autre animal ?

La lumière de Dieu

L'évangile de Jean a été écrit en grec, langue riche de mots à double sens. Agneau s'y dit αγνος (agnos), (dictionnaire Bailly) qui signifie aussi sainteté et lumière divines. En outre le verbe αγνιζω (agnidso), de la même racine, signifie purifier par l'eau, baptiser, comme on le verra plus loin. Faisons-nous fausse route en nous aventurant sur le terrain de la lumière ? Le concile de Nicée qui n'a pas su tout détruire, a fixé la date de Pâques le dimanche, jour du soleil, de la pleine lune, qui présente donc une lumière parfaite, qui suit l'équinoxe de printemps, moment où la lumière solaire est équilibrée sur toute la terre. Ceci mérite tout un développement qui est laissé à la sagacité du lecteur.

Baptême et pratiques initiatiques

Ceux qui s'adonnent aux pratiques spirituelles chercher à retrouver la lumière de l'âme, ou la lumière divine comme on voudra. Ainsi les Yoga Sutra, texte traditionnel de référence des yogin, nous apprennent:

"Le pranâyâma est la brisure du cycle d'inspir et d'expir" (II - 49)

"Par le pranânyâma, ce qui couvre la lumière disparait." (II - 52)

Comprendre: par le travail du souffle, et finalement par l'extrême ralentissement de celui-ci, voire son arrêt complet, la lumière divine se révèle. Un thème qui a déjà été abordé dans ce billet. Mais il y a d'autres moyens de provoquer une expérience profonde. Le baptême (le vrai) était une de ces techniques. La traduction réelle de baptiste est en fait "immergeur", et de fait on immergeait, pendant un temps très long le baptisé, qui ne pouvait donc pas respirer. En outre le bruit de l'eau dans les oreilles, semblable au "bruit de l'énergie" qu'entendra en son intérieur, le yogi dont le souffle se stabilise, avait pour rôle d'appeler cette expérience par analogie. Voilà pour le baptême dans la flotte proprement dit, mais on peut aller plus loin. Dans les Ecritures les fleuves (Jourdain, Gange...) symbolisent la plupart du temps le courant d'énergie qui circulent dans la colonne vertébrale de celui qui pratique le pranayama, puis la méditation. Alors lorsque celui-ci s'immerge dans la méditation, le bruit de l'eau (et d'autres!) se fait entendre, la respiration se ralentit, et même s'arrête. La lumière apparaît qui est le passage vers la conscience supérieure.

Relisons Jean

C'est bien ce que nous raconte Jean. Relisons (dans Chouraki)... "Pourquoi immerges-tu donc si tu n'es pas le messie ?" demande-t-on à Jean Baptiste, symbole de la technique pratiquée. Celui-ci répond "Moi j'immerge dans l'eau", c'est-à-dire je ne suis que la technique. "Parmi vous se tient celui qui vous ne connaissez pas". C'est-à-dire: en vous est ce que vous ne connaissez pas, (mais que par la technique vous allez retrouvez), votre nature divine, comme dit dans les Yoga Sutra:

Tadâ drastuh Swarûpeavasthânam

alors le pratiquant contemple sa nature essentielle

"Il vient après moi" C'est-à-dire après la pratique il apparaît. (Comment expliquer rationnellement "il est parmi vous et il vient après moi" sinon ?). "Voici la lumière divine, l'agneau, qui ôte la faute de l'univers" Voici la lumière divine qui détruit les karma de votre univers intérieur. Yoga Sutra I-24

Kleshakarmavipâkâshayairaparâmristah purushavishesa Îshvarah

Dieu est une âme pure d'afflictions, d'actes, de leurs traces et de leurs fruits (karma, péchés)

"Pour cela je suis venu moi immerger dans l'eau" c'est-à-dire la technique du baptême dans le Jourdain ou du pranayama dans la colonne vertébrale, "Mais celui qui m'a envoyé immerger dans l'eau, celui-là m'a dit" c'est-à-dire, une technique/pratique spirituelle est nécessaire pour que la lumière se révèle. "Celui sur qui tu verras le souffle descendre et demeurer sur lui" c'est-à-dire celui dont le souffle diminuera (descendre) et se stabilisera, s'arrêtera (demeurer sur lui); "Celui-là, il immergera dans le souffle sacré", c'est-à-dire celui là il entrera il s'immergera dans la lumière divine. Finalement le passage de Pâques sera ouvert et l'on s'immergera dans la lumière et on s'en nourrira.

Nous voici bien loin d'une grillade malodorante. Les Ecritures lues avec les bonnes lunettes c'est génial, et toujours le sens profond de la Bible converge avec le sens profond des Ecritures d'Orient. Revenons à notre Carême. C'est une période d'ascèse légère, une pratique spirituelle légère. En tant que telle à la fin, une prise de conscience, un progrès spirituel doit (devrait...) venir. Une sorte de renouveau spirituel (résurrection du Christ symboliquement). On doit s'en nourrir, en fortifier notre être. C'est cela manger l'agneau, et non pas s'empoisonner en martyrisant le règne animal.